L'addiction à l'alcool est une maladie comportementale complexe dont la vulnérabilité dépend de l'interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux. La meilleure compréhension de la maladie et la recherche de nouveaux traitements ne peuvent être envisagées sans l'utilisation de la modélisation animale.
Différentes espèces sont utilisées (rat, souris) pour étudier la réponse comportementale à l'alcool et le comportement addictif.
La sensibilité aux effets aigus de l'alcool est étudiée par différents tests (locomotion, sédation, ataxie, hypothermie). Les mêmes tests peuvent être utilisés avec des expositions répétées à l'alcool pour étudier le phénomène de tolérance et de tolérance inverse (sensibilisation comportementale aux effets stimulants moteurs;
voir projet ANR SENSIBALCO).
Le comportement de type anxieux est aussi étudié car l'anxiété est une des manifestations du sevrage et peut motiver la consommation d'éthanol pour ses propriétés anxiolytiques. Les trois tests utilisés sont celui du labyrinthe en croix surélevée (elevated plus maze), la boîte noire et blanche (light-dark box) et de l'exploration en champ ouvert (open field and thigmotaxis).

Les capacités cognitives, d'apprentissage et de mémorisation sont mesurées dans plusieurs tests comme le labyrinthe radiaire à 8 bras et la reconnaissance du nouvel objet.
La consommation d'alcool est mesurée dans différents paradigmes en général en situation de libre choix dans laquelle l'animal a le choix entre un biberon d'eau et un biberon contenant une solution alcoolisée (10% ou 20% vol/vol). La concentration d'éthanol peut être augmentée progressivement. Un autre paradigme permet de faciliter les fortes consommation et consiste à proposer pendant plusieurs semaines et un jour sur deux le choix avec une solution d'éthanol à 20%: protocole dit de "l'accès intermittent à l'éthanol 20%).

L'autre protocole de choix utilisé en routine au laboratoire est celui du comportement d'auto-administration opérante d'éthanol par voie orale dans des cages de Skinner. Dans cette procédure l'animal doit réaliser un travail pour obtenir de l'alcool: appuyer sur un levier ou introduire son museau dans un orifice. Cette procédure permet de déterminer la motivation de l'animal à consommer l'alcool car il est possible d'augmenter "le prix à payer" de manière progressive pendant une même session, c'est à dire qu'à chaque consommation, la suivante coûtera plus cher (nombre d'appuis nécessaire à la délivrance d'alcool plus élevé). Dans ce protocole dit de "ratio progressif" lorsque l'animal "craque" (cesse d'appuyer), le nombre maximal d'appuis réalisé pour obtenir la dernière délivrance d'alcool constitue le "point de rupture", reflet direct du niveau de motivation de l'animal pour concommer de l'alcool. Après une phase d'apprentissage de plusieurs semaines, il est possible de soumettre les animaux à une période d'abstinence puis de rechute induite par différents stimuli (alcool, stimulus discriminatif associé à l'alcool comme un signal lumineux, un stress). Nous disposons de 24 boîtes de Skinner.
Il est très important de noter qu'un rongeur ne consommera jamais suffisamment d'alcool pour présenter l'ensemble des symptômes physique et psychologique caractéristiques du comportement addictif : syndrome de sevrage, anxiété, dépression, perte de contrôle de la consommation, hypermotivation à consommer, compulsion à consommer (persistance en dépit de conséquences négatives), rechutes à répétition (
pdf). Tout simplement parce qu'il est difficile de surpasser l'aversion naturelle (gustative, olfactive) et aussi la forte tolérance métabolique. En effet, les rongeurs métabolisent 4 fois et 6 fois plus vite l'éthanol comparativement à l'homme, respectivement pour les rats et les souris. Il faut que la consommation dépasse 7g d'éthanol pur par kilo de poids et par jour pour dépasser la capacité métabolique et retrouver une alcoolémie positive. De même il faut atteindre une alcoolémie d'au moins 1g d'éthanol pur par kilo de poids pour observer un effet comportemental de l'éthanol.

Pour étudier l'addiction à l'alcool, nous utilisons l'auto-administration opérante d'alcool couplée à l'induction de la dépendance physique grâce à l'exposition chronique (>7sem) et intermittente (14h/j) à des vapeurs d'éthanol (40mg/l d'air) pour atteindre des alcoolémies cibles de 1.5 à 2.5g/l. Seule cette procédure permet d'étudier le phénomène de dépendance à l'alcool avec l'appartition des neuro-adaptations et de l'état émotionnel négatif caractéristiques de l'addiction. Nous pouvons induire la dépendance chez 70 rats et 100 souris simultanément.
Enfin, l'exposition à un stade précoce de la vie (
in utero et adolescence) est un facteur prédictif fort du risque à développer l'addiction mais les mécanismes neurobiologiques demeurent inconnus. Nous disposons de deux procédures d'exposition précoce: 1) consommation d'une solution alcoolisée à 10% des mères gestantes et allaitantes et 2) à l'adolescence, exposition à des intoxications alcooliques massives (3g d'éthanol pur/kg de poids corporel) et répétées.

Nous avons récemment mis en place un modèle unique et original de binge drinking chez le rat qui s'auto-administre volontairement des quantités massives (1 à 3 g d'éthanol pur par kilo de poids) en un temps record (15 minutes). Ce modèle va nous permettre d'étudier les facteurs individuels et environnementaux impliqués dans ce comportement et aussi de trouver des outils pharmacologiques efficaces.