Résumé de l'intervention:
SADAPT- efficacité du sevrage alcool à domicile par une équipe multidisciplinaire assistée de la télécons ultation et de la supervision
Hakim HOUCHI indique qu’il exerce en tant que chercheur associé au sein du groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances ainsi qu’en tant que médecin généraliste, médecin addictologue et médecin du sport. Il appartient également au collège des addictologues Somme Littoral Sud.
Bénéficiant d’un financement de l’ARS des Hauts-de-France pour deux ans, le dispositif SADAPT (sevrage alcoolique à domicile accompagné par la télémédecine) repose sur une équipe pluridisciplinaire qui comprend un médecin généraliste, un infirmier diplômé d’état, une psychologue et une éducatrice spécialisée.
Le dispositif SADAPT se base sur les recommandations de la SFA qui préconise le sevrage en ambulatoire. L’expérience de faisabilité locale conduite avec une quarantaine de patients a produit des résultats intéressants. D’autres initiatives visant à utiliser le sevrage ambulatoire et s’articulant principalement autour du médecin traitant existent à Lyon, Lille et Rennes. Hakim HOUCHI est le médecin référent du dispositif SADAPT.
Le dispositif est destiné à tous les publics et dispose d’une capacité de 10 lits sur le périmètre d’Amiens. L’équipe pluridisciplinaire est sensibilisée à l’addictologie et a vocation à s’adapter aux patients en complétant l’offre de soins, en élargissant les critères d’éligibilité au sevrage ambulatoire, à améliorer l’acceptabilité du principe de sevrage alcoolique et à améliorer l’entrée dans le soins addictologique. De plus le dispositif s’adapte aux sphères de fonctionnement des patients, car certains sont des tiers-aidants, d’autres doivent s’occuper de leurs enfants et de leurs animaux, ou encore ne souhaitent pas délaisser leur activité professionnelle.
Après l’adressage, le dispositif SADAPT prévoit un bilan d’entrée réalisé en 24 à 48 heures. Le patient bénéficie ensuite d’un sevrage à domicile pendant 10 jours et d’un suivi pluridisciplinaire pendant 12 mois.
L’adressage sera assuré par la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) qui diffuse les informations relatives au dispositif SADAPT. Actuellement, les patients proviennent essentiellement des CSAPAs où Hakim HOUCHI assure une consultation hebdomadaire. Chaque mois, 5 à 6 patients rejoignent ainsi le dispositif. Les patients peuvent également venir des services d’urgence ou de psychiatrie des hôpitaux de la région. Par exemple, le CHU d’Amiens dispose d’une unité d’alcoologie qui a connaissance du dispositif et peut ainsi recommander SADAPT à un patient.
Une fois orienté vers le dispositif, le patient effectue un bilan d’entrée pour évaluer la compatibilité de sa sphère de vie avec le dispositif, ainsi que pour mesurer la maturité de son projet en fonction de l’
échelle PAWSS. Lorsque les contre-indications formelles à bénéficier du dispositif sont exclues, des bilans addictologiques, somatiques et hépatiques sont réalisés. Le patient bénéficie ensuite d’un sevrage à domicile. L’infirmer passe trois fois par jour pour réaliser une éthylométrie et administrer le traitement qui est adapté au score
CUSHMAN. A cette occasion, l’infirmier peut délivrer des recommandations et des conseils diététiques. Les soins médicaux sont apportés au moins une fois par jour par le médecin qui demeure en lien avec l’infirmier afin d’adapter le traitement en temps réel. Le dispositif utilise les services de télémédecine de la société T-MED qui propose une interface dédiée avec des outils homologués pour échanger avec les patients, dont un stéthoscope connecté, un tensiomètre connecté et une téléalarme pour contacter le 15 en cas de besoin. Les trois premiers jours du sevrage sont les plus intenses. L’équipe travaille ensuite avec le patient pour programmer le suivi, qui prévoit une douzaine de consultations au CSAPA, quatre bilans psychologiques et cognitifs ainsi que quatre bilans somatiques.
Le suivi pluridisciplinaire est assuré en partenariat avec le réseau local. Le médecin traitant est invité par courrier à s’associer à la démarche. Le
dispositif INTERVISION permet d’organiser des réunions de concertation pluridisciplinaires en visioconférence. Pendant le suivi, l’addictologue coordonne les soins et effectue le bilan médical et biologique. L’infirmier du CSAPA conduit les entretiens motivationnels. Le patient rencontre le psychologue une fois par mois. Par ailleurs, des éducateurs spécialisés proposent des ateliers de relaxation. Les patients peuvent également bénéficier d’activités physiques adaptées avec un kinésithérapeute.
En conclusion, le dispositif SADAPT est destiné à un maximum de patients. Le bilan d’entrée permet d’être très réactif pour intégrer les patients et un suivi au long cours est assuré pendant douze mois avec un médecin addictologue.
ECHANGES - Questions/réponses:
Un intervenant remarque que le sevrage ambulatoire rend les professionnels de santé frileux. Beaucoup considèrent en effet que le sevrage ambulatoire ne peut pas être proposé en cas d’antécédent de crises convulsives. Dans ce cadre, il convient peut-être de préciser le contexte des crises convulsives. A son sens, une crise convulsive à la suite d’un sevrage brutal sans accompagnement ne constitue pas une contre-indication à l’accompagnement ambulatoire.
Hakim HOUCHI répond que plusieurs facteurs peuvent prédisposer un patient à subir des crises convulsives, notamment le contexte, mais également la génétique. Par ailleurs, la
PAWSS constitue une échelle efficace pour prédire les risques. Certains patients sont capables de s’abstenir de consommer pendant une semaine sans accompagnement. De plus, les crises convulsives généralisées demeurent rares. Le patient doit être interrogé et l’antécédent de crise convulsive ne constitue pas un frein absolu au sevrage ambulatoire.
Une intervenante demande s’il existe des contre-indications sociales au sevrage ambulatoire.
Hakim HOUCHI observe que les contre-indications au sevrage ambulatoire sont très documentées. Elles concernent notamment l’isolement et les capacités cognitives. Dans le cadre du dispositif SADAPT, le patient est suivi par un infirmier. Ce type de soin ne peut pas être proposé à une personne sans domicile. En revanche, le résidant d’un foyer peut être accompagné. Toutes les situations sont étudiées.
Une intervenante s’enquiert de la place de l’entourage dans le dispositif SADAPT.
Hakim HOUCHI répond que lors de sa prise en charge, le patient s’engage à échanger avec son entourage. La sphère familiale doit adhérer au projet. En cas de besoin, le médecin peut recevoir l’entourage avec le patient pour fournir des informations complémentaires.
Serge MOUNSANDE salue la cohérence du dispositif SADAPT et le courage des professionnels engagés dans ce projet. Il remarque que lors d’une hospitalisation, l’éthylométrie n’est pas systématique et demande pourquoi le dispositif prévoit trois tests par jour. En effet, ce systématisme pourrait remettre en cause la confiance entre le patient et les professionnels de santé. Par ailleurs, il demande si des taux d’alcoolémie positifs ont été constatés.
Hakim HOUCHI observe que le dispositif fonctionne à condition que les intervenants soient acquis à la cause. Concernant l’éthylométrie, l’accès à l’alcool est très limité en milieu hospitalier. Dans le cadre du dispositif SADAPT, l’éthylométrie constitue un cadre qui permet de valoriser le patient. Il est arrivé une fois qu’un test soit positif. Un bilan a alors été proposé au patient pour l’orienter au mieux. Si le patient demeure éligible, le sevrage est reporté.
Philippe SAYER remarque que le délais de réponse constitue un point fort du dispositif SADAPT. En effet, si le temps d’attente est long, il est souvent trop tard pour le patient. D’autre part, il demande s’il est envisagé d’ouvrir l’adressage à des associations d’entraide. Dans certaines régions, les usagers s’adressent plutôt à une association qu’à un médecin. Enfin, il souhaite savoir si le dispositif prévoit de recourir aux patients experts.
Hakim HOUCHI confirme que le délai constitue un point clé. D’autre part, une association d’entraide est implantée au CSAPA au sein duquel il consulte. S’il est préférable que l’intiative vienne du patient, les associations d’entraide peuvent tout à fait proposer le dispositif à leurs usagers.
Par ailleurs, elle demande à Hakim HOUCHI comment il s’organise pour dégager du temps consacré aux consultations d’urgence. En effet, Amiens manque de médecins généralistes. D’autre part, pour les patients atteints de comorbidités psychiatriques, elle remarque que l’entourage peut être délétère et elle demande si ce type de comorbidité peut constituer une contre-indication au sevrage à domicile.
Hakim HOUCHI note que dans le cadre du dispositif SADAPT, il est plus difficile de mobiliser l’infirmier que le médecin. Lorsqu’un patient est adressé par un professionnel, la démarche peut être lancée rapidement grâce à ce premier filtrage. Le bilan proposé constitue un second filtre. L’infirmier doit pouvoir se mobiliser dès le lendemain. Le projet SADAPT nécessite une forte implication et une forte disponibilité des professionnels de santé.
Une intervenante demande quelles analyses biologiques sont réalisées lors du début du traitement dans le cadre du dispositif SADAPT.
Hakim HOUCHI répond qu’un bilan biologique est effectué, comprenant notamment la NFS et le bilan hépatique. Ces éléments peuvent constituer un levier de motivation pour le patient lorsqu’il constate que certains indicateurs se sont normalisés.