Projet NEAR financé par le fonds de lutte contre les addictions en 2025

PROJET NEAR NEAR : Réhabilitation post-sevrage alcoolique : place des marqueurs neurophysiologiques dans une approche intégrative de prévention de la rechute

Ce projet clinique est coordonné par le Dr Judith André et le Pr Mickael Naassila avec la participation de plusieurs partenaires: Les Pr Ardalan Aarabi et Olivier Godefroy (équipe de recherche LNFP de l'UPJV) et les Dr Manar Ksra et Marc Moinas (CHIMR).

Malgré les efforts de prévention et les traitements disponibles, le taux de rechute post-sevrage reste préoccupant, atteignant 80 % dans l’année suivant l’arrêt de la consommation d'alcool. La réhabilitation post-sevrage joue un rôle essentiel dans la stabilisation de l’abstinence et la réduction des altérations neurobiologiques persistantes.

Cependant, les outils actuels d’évaluation reposent principalement sur des auto-questionnaires et des tests neuropsychologiques, qui ne permettent pas d’anticiper efficacement le risque de rechute. L’électroencéphalographie (EEG) constitue une approche prometteuse pour objectiver la récupération cognitive et identifier des marqueurs neurophysiologiques prédictifs de rechute.

Cette étude vise à caractériser l’évolution des marqueurs EEG associés aux fonctions exécutives, à la mémoire et aux troubles sensoriels au cours de la réhabilitation. Parallèlement, l’analyse des biomarqueurs inflammatoires et du microbiote intestinal permettra d’examiner leurs interactions avec les marqueurs neurophysiologiques et d’explorer leur rôle potentiel dans la récupération post-sevrage. 42 patients seront recrutés au Service de Soins Médicaux et de Réadaptation (SMR) en addictologie du Centre Hospitalier Intercommunal Roye-Mondidier (CHIRM) après une cure de sevrage de 8 semaines et seront suivis en hospitalisation de jour (HDJ). L’évaluation s’effectuera à trois moments clés : à l’entrée dans le programme de réhabilitation (semaine 1), à mi-parcours (semaine 7) et à la fin du programme (semaine 12). Un groupe contrôle, sans antécédent addictif et apparié en âge et sexe, réalisera une évaluation unique (EEG, prélèvements sanguins et fécaux). L’EEG sera enregistré avec un dispositif 64 électrodes, selon le système 10-20, en synchronisation avec des tâches cognitives spécifiques. Les performances seront évaluées à l’aide du Trail Making Test (TMT A & B) pour la flexibilité cognitive, du Go/No-Go Test pour l’inhibition de la réponse, du Test de temps de réaction simple pour la rapidité cognitive et du Test N-Back pour la mémoire de travail. L’analyse EEG portera sur les potentiels évoqués P200, N200 et P300 ainsi que sur les oscillations cérébrales alpha, bêta, thêta et gamma afin d’évaluer l’évolution de l’activité et de la connectivité des régions préfrontales et sensorimotrices. L’évaluation du microbiote intestinal sera réalisée par séquençage 16S rRNA (V3-V4) et analyse bioinformatique avec QIIME2 et les bases de données SILVA/Greengenes afin d’identifier les taxons bactériens et d’en suivre l’évolution aux différentes étapes de la réhabilitation. La perméabilité intestinale sera mesurée par dosage des lipopolysaccharides (LPS), des protéines de liaison aux LPS (LBP) et de la zonuline, qui sont des marqueurs de l’intégrité de la barrière intestinale. L’analyse des métabolites microbiens inclura la quantification des acides gras à chaîne courte (SCFA : butyrate, propionate, acétate) et du bêta-hydroxybutyrate par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS). L’inflammation systémique sera évaluée par dosage des cytokines pro- et anti-inflammatoires.

Les résultats attendus devraient permettre d’identifier précocement les patients à risque de rechute grâce aux marqueurs EEG et biologiques. L’utilisation de ces biomarqueurs devrait également optimiser les interventions thérapeutiques en adaptant les stratégies de réhabilitation aux profils neurophysiologiques et biologiques des patients. Une meilleure récupération cognitive et une diminution des hospitalisations répétées liées aux rechutes pourraient ainsi être obtenues. À terme, cette étude pourrait permettre d’intégrer ces biomarqueurs EEG et biologiques dans les pratiques cliniques pour un suivi plus individualisé des patients en réhabilitation post-sevrage. Elle pourrait également ouvrir la voie au développement de nouvelles interventions thérapeutiques, notamment basées sur la modulation du microbiote ou des approches de neuromodulation. Enfin, une meilleure compréhension des mécanismes neurobiologiques sous-jacents à l’addiction pourrait permettre d’affiner les stratégies de prévention et de traitement à long terme.