L’un des points essentiels pour comprendre la pharmaco-dépendance en neurobiologie est de mettre en évidence les modifications neurochimiques à long terme induites par les drogues d’abus.
Chez les rongeurs, les drogues d’abus entraînent une activation locomotrice et la répétition des injections produit une augmentation de cette réponse, appelée sensibilisation comportementale. Cette sensibilisation comportementale se maintient plusieurs mois après la dernière prise, rappelant ainsi la sensibilité aux drogues que conservent les toxicomanes longtemps après le début du sevrage. Bien que les propriétés des drogues d’abus soient généralement considérées comme dues à une augmentation de la libération de dopamine dans le noyau accumbens, nous avons montré, dès 2002, que des souris dépourvues de récepteurs alpha1b-adrénergiques perdaient les effets locomoteurs et récompensants des psychostimulants et des opiacés, comme la cocaïne ou la morphine. En 2004, nous avons montré qu’une autre composante, sérotoninergique de type 5-HT2A, partageait avec les récepteurs alpha1b-adrénergiques le contrôle de l’effet des drogues d’abus. En 2006, nous avons montré en utilisant des animaux dépourvus de récepteurs alpha1b-adrénergiques ou 5-HT2A, que les systèmes noradrénergiques et sérotoninergiques se contrôlaient mutuellement et que des prises répétées d’amphétamine entraînaient une dissociation de cette inhibition mutuelle. Nous avons vérifié que cette dissociation, qui peut être assimilée à un « découplage », se maintient sans aucune diminution, comme la sensibilisation comportementale, au moins un mois après la dernière injection d’amphétamine. En 2007, nous avons montré que ce découplage entre les neurones noradrénergiques et sérotoninergiques apparaît aussi lors de prises répétées de cocaïne, de morphine et même d’alcool. Quelle que soit la drogue injectée de façon répétée, le découplage est bloqué, comme la sensibilisation comportementale, par un pré-traitement avec des antagonistes des récepteurs alpha 1b-adrénergiques et 5-HT2A.
Nous avons donc proposé un nouveau concept de la pharmaco-dépendance qui considère que les drogues d’abus découplent les neurones noradrénergiques et sérotoninergiques, ces derniers devenant autonomes et hyper-réactifs. Le toxicomane sevré est alors hyper-sensible aux émotions, et la drogue, en re-créant la situation qui a donné lieu au découplage, devient une source de soulagement temporaire.
En utilisant un bloqueur spécifique de la dopamine, nous avons montré que ce découplage ne dépendait pas de l’augmentation des taux extracellulaires de dopamine. Enfin, les injections d’anti-dépresseurs mixtes –qui bloquent les recaptures de noradrénaline et de sérotonine- ne découplent pas, confirmant ainsi le lien entre le découplage et les propriétés addictives.
Les membres de l'équipe participant au projet: Dr Jean-Pol tassin, Dr Christophe Lanteri, Dr Emilie Doucet, G. Godeheu.
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